Publié le 3 septembre 2015
De récents articles lapidaires sur le danger que représenterait le développement des robots pour l’emploi mérite quelques rappels salutaires. Tout d’abord les innovations technologiques amplifiées à partir de l’ère industrielle (il y a deux siècles) n’ont fait que multiplier quantitativement et qualitativement tous les types d’emplois de la conception à l’exécution… Plus concrètement le parc de robots industriels dans les entreprises allemandes (162 000) est cinq fois plus important que le parc installé dans les entreprises françaises (34 000) et le moins que l’on puisse dire est que cela n’a pas nui à l’emploi chez notre voisin !
Enfin la robotisation, comme toutes les innovations technologiques, n’obéit pas à un schéma organisationnel prédéterminé et peut prendre des formes différentes et antagoniques par rapport aux enjeux sociaux, organisationnels et économiques.
Plus largement la question de la robotisation d’une partie des tâches humaines n’est pas une question nouvelle. Elle traite du rapport hommes/machines qui vise pour chaque avancée technologique à remettre à plat la complémentarité des apports humains et des apports de la machine. Chaque progression des potentialités de la machine est un moteur d’interpellation des potentiels humains. La question de l’intérêt du travail qui est au cœur de la robotisation et de la “cobotisation” (développement de machines collaboratives conçues pour travailler en permanence avec l’homme) en est une bonne illustration. Impulser et piloter les innovations technologiques sans les articuler avec des innovations organisationnelles et sociales contributives à l’amélioration de la qualité de vie au travail mais surtout à l’intérêt du travail serait une hérésie.
Ainsi le groupe Airbus a-t-il opté pour plusieurs types de “cobots” qui partagent le même environnement de construction des avions que les opérateurs en utilisant les mêmes outils. Dans ce cas, les “cobots” permettent de réorganiser le travail des opérateurs et d’améliorer la productivité. Une collaboration humains/“cobots” efficace et sécurisée s’organise autour des capteurs, de l’intelligence embarquée et de la puissance de calcul au-delà de la simple option de transfert des tâches pénibles aux robots. Dès lors d’autres activités de collaboration se développent, en particulier pour accroître les capacités d’apprentissage des “cobots”. Des chercheurs de l’Institut italien de technologies et de l’Institut de robotique et d’informatique industrielle de Barcelone (Espagne) ont par exemple développé un robot capable de collaborer pour construire un meuble. Grâce aux progrès techniques réalisés en termes d’autonomie, d’intelligence artificielle et de puissance de calcul, les “cobots” apparaissent désormais comme des collègues fiables et efficaces.
L’option des humanoïdes dans toute une série d’activités de services aux personnes âgées ou aux personnes handicapées, semble également prometteuse en termes de division du travail entre machines et humains.
Reste qu’une robotisation compatible avec l’emploi et la montée en compétences des salariés suppose une lecture nouvelle des activités professionnelles. Cette approche nécessite de combiner ergonomie, innovation organisationnelle, ingénierie mécatronique et un certain imaginaire. Elle suppose aussi de rompre avec une tradition ancrée dans l’industrie où l’homme est uniquement considéré en concurrence avec les machines en termes de précision, de rapidité, de fiabilité du geste professionnel. Le débat sur la robotisation est donc ouvert et permet d’envisager des scénarios plutôt contrastés en termes de qualité du travail.
Paul Santelmann, directeur de la Veille pédagogique à l’Afpa